Interview de Pierrick ALBERT, professeur des écoles à l'ITEP de Campestre !

Portrait de Mr ALBERT Pierrick, professeur des écoles dans le cadre du DITEP CAMPESTRE.

Mardi après-midi, 13h30, nous arrivons à l’Institut Thérapeutique Éducatif Pédagogique (ITEP) de Campestre, à Lodève. Cet établissement accueille les enfants, adolescents et jeunes adultes (site de Clermont l’’Hérault), présentant des troubles du comportement, pouvant perturber leur socialisation malgré des potentialités intellectuelles et cognitives. 

Nous avions rendez-vous avec Mr Pierrick ALBERT, professeur des écoles au sein du dispositif ITEP de Campestre, qui nous a fait l’honneur de nous présenter son parcours ainsi que son quotidien en qualité de professeur, ce dernier est en exercice depuis la rentrée scolaire 2021/2022.

 

  Bonjour Pierrick !

Pierrick : Bonjour !  

 

 Tout d’abord, depuis combien de temps travailles-tu pour l’APSH34 ? 

Pierrick : Ça fait 8 ans. Au tout début, j’étais étudiant en licence d’histoire et en parallèle, je faisais des remplacements de surveillant de nuit sur la plateforme Wallon - Lainé. Quand j’ai terminé ma licence, un poste de surveillant de nuit a été créé, et dans le cadre de mes projets de vie et parce que je me sentais à l’aise dans le métier, que je connaissais déjà l’équipe, l’environnement, les résidents, parce que j’y allais avec plaisir, j’ai saisi cette opportunité. 

Salle de classe de Mr Albert

 

 C’est donc le cadre associatif, le secteur du médico-social qui t’a motivé à postuler ? 

Pierrick: Oui, la raison d’être de l’association correspondait à mes propres idées. Être au contact des gens, leur apporter un soutien, connaître les histoires et les vécus de chacun... L’engagement auprès des personnes vulnérables, c’est ça qui m’a vraiment plu dans le secteur du médico-social.

 

 Qu’est-ce qui t’a poussé par la suite à changer et passer de surveillant de nuit à professeur des écoles ? 

Pierrick : Et bien tout d’abord, parce qu’au bout de 8 ans, je pense que j’avais fait un peu le tour du métier de surveillant de nuit. De plus, j’avais depuis un moment l’envie d’enseigner, c’est d’ailleurs pour cela que j’avais fait des études d’histoire. Pour autant, je ne me sentais pas encore prêt à ce moment-là de ma vie. C’est avec la maturité acquise au cours de ces dernières années que j’ai voulu me relancer dans les études et faire un MASTER MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation) dans lequel j’ai fait une année en distanciel, ce qui m’a appris les bases théoriques du métier et comment organiser une journée d’école, quelle pédagogie adopter etc… tout en poursuivant mon métier de surveillant. J’ai fait une première année comme ça, puis voyant que c’était très compliqué d’associer le rythme soutenu des études et le travail de surveillant de nuit, j’ai pris la décision de quitter mon poste de surveillant pour me consacrer à mes études. Je suis donc allé voir la directrice des Ressources Humaine de l’association en Avril 2021.

 

Activité adaptée (1)

 

 Comment s’est passé le rendez-vous avec la DRH ? 

Pierrick : J’ai fait une demande de rupture conventionnelle à compter du 1er septembre en exposant les raisons de mon départ ainsi que mon projet. La DRH m’a alors répondu qu’elle ne s’y opposerait pas, ajoutant que si je le souhaitais, elle pouvait me permettre d’effectuer un stage d’observation dans une classe à l’ITEP de CAMPESTRE avec, bien entendu, l’accord de la direction. J’ai accepté avec enthousiasme, et c’est au mois de mai 2021 que j’ai effectué ce stage de 15 jours. Je fus très bien accueilli sur le site, à la fois par tout le personnel, l’enseignante référente et par les élèves. J’ai pu ainsi observer, dans d’excellentes conditions, le travail mené avec les élèves avant d’avoir la chance d’intervenir moi-même dans la classe, bénéficiant des précieux conseils de ma collègue. Cette expérience m’a vraiment conforté dans mon choix. Je suis retourné voir la DRH avec les yeux qui pétillaient en lui disant que c’était exactement ce que je voulais faire. Elle m’a alors répondu qu’elle accompagnerait ma demande si un poste venait à se libérer d’ici septembre. Ce qui, concours de circonstances, arriva fin juillet. Elle me proposa alors officiellement le poste sous réserve que cela puisse se faire administrativement. Je suppose que cette dernière condition n’était pas la plus simple à remplir, car cela supposait l’aval de l’éducation nationale ainsi que de la direction de l’ITEP.

 

 Comment se sont passé les premiers mois de ta prise de fonction ? 

Pierrick : Les débuts n’ont pas été simples, car fort de ma formation en master, j’ai préparé ma rentrée comme l’on prépare une rentrée à l’école « ordinaire ». La confrontation avec la réalité du terrain m’a rapidement fait douter de mes compétences d’enseignant. Les élèves étaient peu ou pas réceptifs à mes méthodes et les résultats à court terme n’étaient évidemment pas au rendez-vous.

C’est l’équipe éducative qui m’a mis à l’aise et m’a rassuré sur les attentes à avoir auprès des élèves. J’ai donc rapidement revu ces dernières et ai modifié mon approche pour cibler en priorité des compétences en terme de posture d’élève plutôt que de contenus scolaires à proprement parler.

Le fait est que ces enfants n’ont pas eu une scolarité simple ni agréable pour la plupart. Leurs parcours de vie ont fait qu’ils ont perdu confiance à la fois en eux, en l’adulte et en l’école. C’est là tout le travail que nous faisons conjointement avec mes collègues-éducateurs. Leur redonner foi en la société et en l’école qui en permet l’inclusion. Aussi, l’accompagnement est totalement sur-mesure.

Aucun de mes élèves n’a le même niveau ni les mêmes besoins. Tout en adaptant le contenu, il faut également adapter l’approche pédagogique et la rendre la plus vivante et la plus intéressante possible.

 

Activité adaptée (2)

 

 De quelle classe tu t’occupes ? 

 Pierrick : Ici, on est sur un niveau allant de la grande section de maternelle à début CE1, donc des enfants de 6 à 10 ans. 

 

 Comment se passe la gestion de ces différents niveaux ? 

Pierrick :  Au départ, il a fallu mettre en place une évaluation diagnostic pour chacun afin de savoir exactement où ils en étaient. Une étape assez fastidieuse, car les enfants ont un rapport compliqué avec le concept d’évaluation. J’ai suite à cela conçu une feuille de route pour chaque élève. J’ai en tout 7 élèves dont un qui va bientôt arriver. Il faut savoir que je n’ai jamais plus de 4 élèves en même temps en classe. Cela me permet d’être disponible pour chacun d’eux, de leur apporter une aide privilégiée et un contenu différencié. Les élèves n’ayant pas classe sont en ateliers thérapeutiques dans lesquels ils travaillent l’hygiène, le bien-être, la confiance en soi, la motricité fine avec, par exemple, de l’art visuel, de la fabrication ou encore des jeux de construction. Ils y travaillent le relationnel avec, des jeux de société ou encore l’empathie et la responsabilité avec l’activité poney, etc. Par ailleurs, les enfants ont également des prises en charge avec le psychologue, la psychomotricienne, l’orthophoniste...

 

 Comment on aborde les cours avec les enfants de l’ITEP ? Comment fais-tu pour capter leur attention ? 

Pierrick : Devant l’impossibilité de réaliser des séances « purement scolaires », j’ai pris pour point d’ancrage leurs centres d’intérêt. Par exemple avec un élève qui aime l’univers Minecraft, nous avons fabriqué des patrons pour faire des cubes comme dans le jeu. L’objectif étant, outre le travail d’une compétence, de lui donner envie de revenir en classe. Pour moi, c’était l’essentiel. Qu’ils trouvent de l’intérêt, du plaisir à venir en classe. Je voulais leur montrer qu’il était possible d’apprendre des choses tout en s’amusant, qu’apprendre pouvait aussi être synonyme d’épanouissement. Pour leur faire accepter mon rôle d’enseignant, j’ai attendu patiemment qu’ils éprouvent le besoin de faire appel à moi. Devant l’incapacité à réaliser une tâche par eux même, ils ont peu à peu sollicité mon aide, et donc défini eux-mêmes mon rôle. Celui de l’enseignant qui est là pour aider les élèves à progresser. Grâce à cette confiance qui s’est peu à peu installée, mais qui est encore loin d’être acquise, j’ai pu commencer à mettre davantage de « scolaire » dans mes séances. 

Livrets de suivi 

 

 Et dans le cas où un élève gênerait le bon déroulement de la journée de classe ? 

Pierrick : C’est là que tout le travail d’équipe fait sens. Il y a toujours un éducateur en relais. Lorsqu’un élève se trouve dans l’incapacité de rester en classe, un éducateur intervient pour mettre au travail le comportement de l’élève, en le questionnant sur les raisons de son incapacité à rester en classe, en le rassurant, en lui redonnant confiance en lui. Souvent, l’élève revient calmé au bout d’une vingtaine de minutes.

 

  Quels sont les enseignements donnés sur une classe d’ITEP ? 

Pierrick :  Je ne peux parler que de ce qui concerne le pédagogique bien que nos objectifs avec les équipes éducatives aillent dans le même sens. Il s’agit avant tout d’insérer les jeunes dans la société. Celle-ci passe évidemment par la scolarité donc on peut dire que l’idéal vers lequel nous tendons est de permettre aux élèves d’intégrer une scolarité ordinaire. Pour ce faire nous travaillons surtout sur le comportement, la gestion des émotions, le respect de soi et de l’autre, la confiance en soi, l’acceptation de la différence, l’agressivité, la violence sans oublier bien entendu les compétences scolaires surtout dans les matières fondamentales. Tout ce qui se fait à l’école finalement, mais en plus accentué, avec plus de moyens. La réussite scolaire telle que nous la considérons est avant tout une question de posture plus que de résultats. D’ailleurs, il n’y a pas de notes, pas d’évaluations sommatives. La seule attente est que chacun progresse à son rythme et fasse de son mieux avec notre aide. Si un élève acquiert une posture d’élève telle qu’attendue en milieu scolaire ordinaire, alors l’objectif est partiellement atteint et la finalité est qu’il y reste et qu’il trouve sa place dans la société. C’est un élève qui malgré un retard scolaire accumulé peut intégrer une école ou un collège avec des aménagements.

 

 

C’est un professeur épanoui que nous avons pu rencontrer, passionné par son nouveau métier. Malgré une rentrée compliquée face à des élèves en froid avec le milieu scolaire, il a su, grâce à sa patience et à sa passion du métier, peu à peu gagner leur confiance.

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